Concevoir l'enregistrement d'un tel projet nécessite une approche différente de celle de l'enregistrement stéréophonique. En stéréophonie à deux canaux, un couple de microphones est traditionnellement utilisée, capturant une sorte de "photographie spatiale" de la formation musicale dans son environnement acoustique. Sur cette base, des microphones d'appoints sont placés proches d'instruments ou de groupes d'instruments spécifiques de l'ensemble pour améliorer leur clarté dans l'image sonore produite par le couple principal. Le couple est le dispositif le plus éloigné des sources sonores : la distance entre le couple et la source est ajustée pour obtenir l'équilibre souhaité entre le son direct et le son réverbéré. Plus le couple est éloigné des sources, plus il met en avant l'acoustique de la pièce. Chaque microphone d'appoint est placé individuellement plus près de sa source pour obtenir le meilleur compromis entre qualité sonore et diaphonie causée par les sources voisines.
Dans notre cas, pour obtenir les meilleurs résultats lors du processus de convolution, il est essentiel que les sources sonores traitées soient exemptes de toute acoustique préexistante. Ces sources sont donc enregistrées sans utiliser de couple, en s'appuyant uniquement sur des microphones proches, idéalement dans une chambre anéchoïque, pour éliminer toute réflexion ou réverbération inhérente à l'espace d'enregistrement. Cette approche permet de traiter chaque source individuellement dans RoomZ.
Enregistré le 6 novembre 2024, dans la chambre anéchoïque de Jussieu par la comédienne Juliette Aver.
La voix a été enregistrée avec un microphone cardioïde Neumann M149 positionné à 40 cm de l'actrice. D'autres microphones ont été placés pour simuler différents niveaux de présence, offrant un large éventail de possibilités de mixage :
Notre objectif était de créer, par le mixage, la sensation d'une voix accompagnant l'auditeur, positionnée à environ un mètre sur le côté. Le choix du microphone M149 à 40 cm s'est avéré le plus convaincant pour cet effet.
Onze pièces étroitement liées à l'histoire musicale de Notre-Dame ont été sélectionnées pour le concert virtuel, allant des organa des XIIe-XIIIe siècles aux œuvres de la "renaissance" du XXe siècle de l'école française d'orgue.
Enregistrement réalisé le 10 octobre 2023, dans la chambre anéchoïque de Jussieu avec l'ensemble Pérotin le Grand : 7 chanteurs, dont 1 soliste, 2 ténors et 7 chanteurs pour le plain-chant.
Cette chambre anéchoïque est un espace expérimental avec des surfaces absorbantes (couverts de coins absorbants acoustiques d'un mètre de profondeur, en plus d'un découplage vibratoire du bâtiment) conçue pour minimiser les réflexions acoustiques. La chambre anéchoïque de l'Institut Jean Le Rond d'Alembert dispose d'un volume utile de 240 m³ et d'une surface au sol de 42 m².
Positionnement des chanteurs et microphones lors de l'enregistrement dans la chambre anéchoïque.
Chacune des sept voix de l'organum constitue une source sonore distincte : ainsi, sept microphones ont été utilisés. Après des tests entre des microphones cardioïdes DPA 4088 et des microphones omnidirectionnels B&K/DPA 4007, le DPA 4088 a été choisi. Ces microphones, montés sur serre-têtes et fixés aux chanteurs, maintiennent une distance constante entre le microphone et la bouche du chanteur indépendamment de leurs mouvements. Contrairement aux microphones DPA 4007 montés sur pied, cela garantit une qualité sonore constante pour chaque voix.
Chanteurs lors des enregistrements dans la chambre anéchoïque.
Enregistrement réalisé le 19 décembre 2023, à Bussy sur l'orgue d'Éric Brottier, interprété par Christophe d’Alessandro.
Cet enregistrement a été effectué dans l'auditorium d'Éric Brottier à Bouzy, en Champagne. L'instrument est une réplique d'un orgue de Salamanque, choisi par Christophe d'Alessandro pour l'interprétation de ces deux pièces. Nous pensons qu'il est représentatif du premier orgue en nid d'hirondelle et du premier orgue de tribune de Notre-Dame.
Le son d'un orgue résulte de divers phénomènes acoustiques. Initialement produit par la vibration de plusieurs tuyaux, le son résonne à l'intérieur du buffet avant d'être émis par la façade de l'instrument. Cette réplique comprend environ une centaine de tuyaux, chacun constituant une source sonore distincte. Bien que ces tuyaux soient séparés dans l'espace, ils sont regroupés dans un buffet cloisonné en cinq secteurs.
Une rampe constituée de microphones cardioïdes DPA 4011c (micros 6 à 10) a été positionnée sur pieds devant la façade de l'orgue, proche des tuyaux de montre. Cette rampe, traitée en post-production dans RoomZ, permet une représentation réaliste de la largeur apparente et du rayonnement de l'instrument. Elle aide également à reconstituer les différents plans de l'ensemble des tuyaux au sein des compartiments (plans proches et lointains).
Positionnement des microphones lors de l'enregistrement.
Le buffet de l'orgue est divisé en cinq compartiments peu profonds, dans lesquels cinq microphones Schoeps CMC-1 L équipés de capsules cardioïdes Mk4 (micros 1 à 5) sont positionnés pour couvrir chaque secteur. Ces microphones permettent d'équilibrer l'instrument en post-production.
Enregistrement réalisé le 12 janvier 2024, dans la salle Jeanne A. de Tarrazi 2 au Conservatoire de Paris, en collaboration avec le Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV).
La salle Jeanne A. de Tarrazi a été divisée en deux secteurs à l'aide de lourds rideaux de velours pour réduire le volume global de la salle, trop grand pour l'ensemble et trop réverbérant pour le projet. Les surfaces réfléchissantes ont été traitées avec des panneaux acoustiques Texaa, et des tapis ont été disposés au sol pour limiter davantage les réflexions sonores.
Pour la pièce de Frémart, l'orgue trop puissant a été entouré de panneaux absorbants pour réduire la diaphonie sur les microphones des chanteurs. Chacune des dix voix des chanteurs et des six voix des pages a été traitée comme une source sonore distincte, nécessitant l'utilisation de seize microphones. Des microphones cardioïdes serre-tête DPA 4088 ont été sélectionnés pour cet usage. Ces microphones, fixés aux chanteurs, maintiennent une distance constante entre le microphone et la bouche du chanteur, quel que soit leur mouvement, garantissant ainsi une qualité sonore constante pour chaque voix.
La pièce de Frémart comprenait également un continuo, composé d'un orgue de chambre et d'une viole de gambe. L'orgue était équipé d'une rampe de trois microphones cardioïdes Neumann KM 184, tandis que la viole de gambe était enregistrée avec deux microphones cardioïdes Schoeps Mk4V.
Enregistré le 19 septembre 2023, dans l'amphithéâtre de la Philharmonie de Paris, sur l'orgue Dupont, interprété par Olivier Latry.
Cet enregistrement a été réalisé dans l'amphithéâtre de la Philharmonie de Paris, en utilisant l'orgue Jean-François Dupont construit en 1995. Cet instrument moderne est particulièrement adapté à l'interprétation de la musique des XVIIe et XVIIIe siècles. Il a été choisi par Olivier Latry pour l'interprétation de la Fantaisie de Charles Racquet.
L'orgue est composé de centaines de tuyaux, chacun constitue une source sonore distincte. Ces tuyaux sont regroupés dans un buffet compartimenté cloisonné en plusieurs secteurs. Une rampe de microphones, composée de cinq microphones cardioïdes DPA 4011c, a été positionnée sur des pieds devant la façade de l'orgue, alignée avec les tuyaux de montre.
Positionnement des microphones lors de l'enregistrement.
Les tourelles de pédales, situées de part et d'autre du grand orgue, étaient chacune équipées de deux microphones internes : une capsule cardioïde large Schoeps Mk21 et une capsule cardioïde Schoeps Mk4. Les deux étaient orientées vers le centre du buffet pour assurer une couverture sonore uniforme.
Positionnement des microphones lors de l'enregistrement.
Enregistrement réalisé le 25 avril 2024, dans la chambre anéchoïque de Jussieu avec la classe de chant de Catherine Simonpietri.
Les chanteurs étaient équipés de microphones cardioïdes serre-tête DPA 4088. La clarinette a été enregistrée à l'aide d'un DPA 4099 fixé à l'instrument et d'un Neumann KM140 sur pied. Le trombone a été capté avec un DPA 4099 fixé au pavillon et un TLM 170 cardioïde sur pied. Enfin, le serpent a été enregistré avec un DPA 4099 attaché à l'instrument et un KM140 sur pied.
Enregistré le 11 décembre 2023 au grand plateau d'orchestre Vincent Meyer, Conservatoire de Paris.
Cette pièce a été enregistrée au grand plateau d'orchestre Vincent Meyer au Conservatoire de Paris. Pour minimiser l'acoustique du lieu d'enregistrement, chaque musicien a été enregistré avec un microphone rapproché placé à 30-40 cm de leur instrument. L'orchestre était composé de 48 musiciens.
Positionnement des microphones lors de l'enregistrement.
Enregistrement réalisé le 9 octobre 2023, sur l'orgue Cavaillé-Coll de l'église Saint-Sulpice, interprété par Olivier Latry.
Cet enregistrement a été réalisé à l'église Saint-Sulpice, dont l'orgue Cavaillé-Coll, construit en 1862, est similaire à celui de Notre-Dame durant le mandat de Louis Vierne en tant qu'organiste. L'orgue de Saint-Sulpice comprend environ 7 000 tuyaux, chacun constituant une source sonore distincte. Ces tuyaux sont regroupés dans un buffet compartimenté en plusieurs secteurs. Une rampe de microphones à deux niveaux, composée de microphones cardioïdes DPA 4011c, a été positionnée devant la façade de l'orgue (micros 1 à 9).
Les tourelles de pédales côtés do et do# de part et d’autre du grand orgue, sont chacune équipées de deux micros intérieurs : une capsule de directivité cardioïde large (entre l'omni et la cardioïde) Schoeps CMC 1 L – Mk21 et d’une capsule cardioïde Schoeps CMC 1 L – Mk4 (micros 6, 7,11 et 12), toutes deux orientées vers le centre du buffet pour une couverture homogène. Le buffet central est équipé de d’un couple de capsules cardioïdes Larges Schoeps CMC 1 L - Mk21 (micros 8 et 9) à l’intérieur derrière les tuyaux de montre et pointé vers le centre du buffet. Afin d’obtenir une bonne couverture de cette partie de buffet, nous avons ajouté un CMC 1 L - Mk21 à l’arrière (micro 10). D’autre part, deux autres capsules CMC 1 L - Mk21 (micros 14 et 15) sont placées latéralement à l’entrée du buffet. Une capsule omnidirectionnelle Schoeps CMC 1 L - Mk2 couvre et souligne le jeu de récit positionné dans la partie haute du buffet.
Positionnement des microphones lors de l'enregistrement.