Le concept de cathédrale évoque souvent un objet statique, où, une fois les dernières pierres posées, elles restent immuables face au temps. Il est tentant de voir l'histoire à travers un filtre en nuances de gris et de penser aux grandes cathédrales comme des monuments blancs stoïques remplis de pierre et, peut-être, de la lumière des vitraux. Cependant, le grand héritage culturel des cathédrales médiévales est un héritage de changement. Les cathédrales continuent d'évoluer longtemps après l'achèvement de leur structure initiale, au fur et à mesure que leurs occupants découvrent de nouveaux besoins, de nouvelles modes et de nouvelles priorités. Combinées aux actes des hommes, de la nature et au passage du temps, elles subissent une évolution constante. La cathédrale Notre-Dame de Paris en est un excellent exemple.
L'incendie récent de la cathédrale a motivé une série d'études visant à mieux comprendre l'acoustique de Notre-Dame, son évolution au fil des siècles et son influence sur la musique, jusqu'à des projections pour aider à sa restauration. Nous présentons ici un aperçu des travaux interdisciplinaires autour de la recherche sur l'histoire acoustique de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Débutant sa construction dans les années 1160, Notre-Dame de Paris n'était ni le premier édifice ecclésiastique érigé sur l'Île de la Cité à Paris, ni le premier hommage à la Vierge Marie sur l'île. Les éléments historiques suggèrent que l'impulsion derrière la construction de Notre-Dame résidait dans l'effort de restaurer et de reconstruire l'infrastructure du chapitre après l'ère viking. Le chapitre désigne un collectif de prêtres, chanoines et clercs affiliés à une église ou à une cathédrale spécifique.
Elle émergea comme l'une des premières manifestations en France d'une éthos architectural gothique, qui avait commencé à se développer dans la région d'Île-de-France au cours des décennies précédentes. Sous l'impulsion de l'évêque Maurice de Sully, les travaux commencèrent à l'extrémité est de l'ambulatoire de la cathédrale au printemps 1163. Les structures d'églises existantes furent démolies pour dégager le terrain de la nouvelle cathédrale en devenir. Parmi elles figuraient une petite chapelle dédiée à Marie sous le transept contemporain et une grande basilique située sous le parvis actuel de Notre-Dame.
Une chronologie des principaux moments architecturaux de l'histoire de la cathédrale Notre-Dame, comprenant plusieurs restaurations. Une chronologie de l'évolution des styles musicaux est montrée en parallèle.
La première phase de construction s'acheva en 1182 avec la consécration du grand autel. Un mur de soutènement substantiel fut construit pour délimiter le châur consacré du reste du chantier, permettant des rituels religieux dans la structure finalisée après 1182, sans être gênés par les travaux en cours. La construction s'étendit vers l'ouest, atteignant finalement la rosace occidentale et la grande façade dans les années 1220. Les travaux sur les chapelles latérales s'achevèrent dans les années 1330, laissant la structure externe largement inchangée jusqu'aux rénovations du XIXe siècle.
Plans d'étage et sections des modèles acoustiques des cathédrales construites sur l'Île de la Cité, de gauche à droite : la basilique pré-gothique sous le parvis de Notre-Dame (avant 1163) ; Notre-Dame à sa consécration (1182) ; la fin de la nef (vers 1220), la fin des chapelles latérales (vers 1350).
La présence du chapitre au sein de la cathédrale mena rapidement à sa décoration intérieure. Dès 1182, des stalles de chœur étaient en usage. Au fil du temps, le chœur liturgique devint une "église dans une cathédrale". Une grande porte en pierre (jubé) fut érigée entre le transept et l'entrée occidentale du chœur en 1135.
Le jubé fut ensuite entouré de murs de pierre très ornés (clôture). Ces murs créèrent une enceinte cérémonielle d'environ 12 mètres de large, 38 mètres de profondeur et 33 mètres de hauteur.
Les décorations intérieures évoluèrent avec les archives de l'église documentant des inventaires de tapisseries, tapis, rideaux et tentures. Parmi les sculptures et monuments notables figuraient une statue de Saint-Christophe de 9 mètres de haut (installée en 1413) et des statues ex-voto financées par des Parisiens célèbres, comme celle du roi Philippe le Bel.
La cathédrale Notre-Dame de Paris possède une riche tradition musicale, depuis ses premières années, du plain-chant médiéval à la liturgie contemporaine. Sa contribution la plus célèbre au développement de la musique en Europe occidentale fut l'école de Notre-Dame, associée aux musiciens Léonin et Pérotin. Ils ont initié un style virtuose de chant qui embellissait les plain-chants établis avec des ornementations polyphoniques. La performance des organa parisiens était associée aux grandes fêtes, où l'acoustique du châur richement décoré jouait un rôle significatif.
Les orgues à tuyaux commencèrent à apparaître dans les grandes églises au XIVe siècle. À Notre-Dame de Paris, deux orgues gothiques furent construits aux XIVe et XVe siècles. Ils étaient utilisés lors des grandes fêtes et des occasions spéciales. Le répertoire, à la fois écrit et improvisé, reste largement spéculatif mais était étroitement lié aux pratiques liturgiques de l'époque.
Entre 1630 et 1707, la confrérie des orfèvres parisiens offrit plus de 70 grandes peintures à Notre-Dame de Paris, collectivement appelées "les Mays". Ces peintures monumentales étaient exposées sous le niveau du triforium, soulevant des questions sur leur impact acoustique potentiel.
Vue intérieure de Notre-Dame, par Aveline. Musée Carnavalet G.52918. Domaine public CC0.
La Révolution française (1789) transforma la cathédrale Notre-Dame de Paris en Temple de la Raison, la profanant et l'endommageant. Les activités religieuses diminuèrent durant cette période, mais la cathédrale fut restaurée au XIXe siècle sous la direction d'Eugène Viollet-le-Duc. Les projets de restauration réanimèrent les caractéristiques gothiques et l'importance de Notre-Dame.
Représentation de Notre-Dame après la Révolution française.